LA SUITE, QUI SE PRÉCISE…, par François Leclerc

Billet invité.

« Ces dernières années, l’accent a été mis sur le trading. Nous avons perdu de vue la fonction première des marché réglementés qui est le financement de l’économie. Il faut la remettre au centre de notre activité ». L’auteur de cette autocritique sait de quoi il parle, c’est Christian Katz, le président de la Fédération européenne des Bourses (FESE). On verra toutefois ce qui résultera de cet aveu, étant donné les écarts de rendement entre les investissements purement financiers et ceux dans l’économie ! À moins de spéculer sur de nouvelles bulles boursières réduisant ces écarts…

La Commission européenne travaille à l’avènement d’un label de qualité, destiné à relancer le marché de la titrisation en rassurant les investisseurs, qui ferait coup double en soulageant les bilans bancaires et en permettant de développer le crédit aux PME. Mais il tarde à se concrétiser, en raison des difficultés à évaluer le risque des prêts aux PME qui seraient packagés. Il faut donc rechercher d’autres moyens financiers pour sortir l’économie européenne de sa langueur, puisque l’on ne peut pas compter sur le système bancaire.

Une agitation fébrile s’est depuis quelque temps emparée des services du Commissaire au marché intérieur et aux services de la Commission. Non plus sur tel ou tel dossier concernant la régulation – et progressant péniblement – mais sur un thème nouveau : le développement de l’investissement. Un « Livre blanc » sur le sujet en a résulté, qui va être adopté le 27 mars par la Commission. Il est question de favoriser le développement des marchés obligataires et d’actions afin que le financement des entreprises dépende moins de l’intermédiation bancaire. Cela a déjà commencé, mais afin d’accentuer le mouvement et l’élargir aux PME, le Graal que représenterait le développement des fonds de pension, ces investisseurs potentiels, est à nouveau évoqué.

Le renouvellement de la Commission va marquer un changement d’époque, la régulation financière passant au second plan de ses préoccupations au profit de la dynamisation de l’économie. Une démarche qui va également s’illustrer dans la négociation du partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis (TTIP), le pendant du partenariat transpacifique sur lequel ces derniers avancent avec leurs partenaires asiatiques (Chine exclue). À eux deux, ces accords commerciaux ont pour objectif de poursuivre par d’autres moyens ce que l’OMC n’est parvenu à faire en ne menant pas à son terme le cycle de Doha.

La mondialisation essoufflée, est-il vraiment possible de la relancer en abaissant de nouvelles barrières qui font obstacle aux échanges commerciaux ? Celles-ci sont désormais moins douanières que réglementaires, lorsqu’elles se manifestent par des normes (notamment environnementales), des règlements techniques et des procédures d’approbation. Afin de tenter de relancer la machine, il est préconisé de créer une logique les faisant converger entre partenaires, avec en tête l’idée de les aplanir en faveur du moins disant (généralement américain), afin de diminuer les contraintes et les coûts. C’est une dimension complémentaire des remises en cause que la « vieille Europe » doit accomplir.

Relance de la machine à produire de la dette, diminution du coût du travail, allégement des contraintes réglementaires, soutien du système financier par les banques centrales, avènement d’un nouveau marketing grâce au Big Data… la suite se précise. Sans oublier l’approfondissement et la cristallisation des inégalités (ainsi que la mise au point d’un contrôle social sophistiqué, dont un pan entier est actuellement dévoilé). L’accompagnant, le compte à rebours des effets de la détérioration de l’environnement et de l’épuisement des ressources est enclenché. L’ensemble aboutira, est-il prédit, à l’effondrement de notre civilisation industrielle si des changement structurels ne sont pas accomplis.

On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.